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Quels effets de la crise du coronavirus sur l'immobilier ?

Crédits photographie : Visuel libre de droit

Le confinement dû à l'épidémie de coronavirus a gelé les transactions immobilières. Faut-il s'en inquiéter ?

Jusqu'ici, tout allait bien. Le nombre de transactions battait record sur record, à l'instar de l'évolution des prix avec un mètre carré moyen s'affichant notamment au-delà de 10.000 euros dans Paris intra-muros. Les perspectives des notaires et de la plupart des analystes montraient par ailleurs un optimisme à toute épreuve en ce début d'année, renforcé par le contexte d'abondance de liquidités versées par les Banques centrales et leur politique de taux bas qui réduisaient proportionnellement le coût du crédit. Un tableau idyllique...

Et patatras !!! Un mauvais pangolin a eu raison de l'économie mondiale. Dans ce contexte financier extrêmement complexe où les valeurs refuges ne jouent plus pleinement leur rôle (voir l'évolution de l'or depuis le début de la crise), quel avenir pour l'immobilier à moyen terme ? Aura-t-on encore une ruée vers la pierre, seul actif de protection de vos avoirs, ou au contraire, une fuite massive des capitaux de la part de vendeurs à la recherche de liquidités ?

Les notaires du Grand Paris indiquent que, dans les mois suivant la crise de l'automne 2008, les prix avaient baissé d'un peu moins de 10%. Mais comparaison n'est pas raison et cette crise n'a pas les mêmes ramifications et n'aura pas les mêmes effets : à l'inverse de 2008, le choc provient de l'économie réelle et contamine la finance. Le risque principal est de voir un nombre important de particuliers, dont certains crédits ont été accordés avec complaisance, se retrouver incapables de s'acquitter de leurs dettes du fait de l'augmentation du chômage, d'une baisse de leurs revenus ou encore du non paiement de loyers d'appartements dont ils sont propriétaires (avec certains qui ont d'ailleurs réalisé de belles pyramides Ponzi immobilières).

Nous n'en sommes pas là et jusqu'ici, les Etats et les Banques centrales réagissent de manière extrêmement rapide pour nous épargner ce sombre tableau. Les milliards tombent du ciel mais il ne faut pas se leurrer : si nous voulons éviter une crise majeure, il faudra en payer le prix à un moment donné. Il se murmure dans les hautes instances que les salariés pourraient déjà tirer un trait sur quelques semaines de congés payés... Mais ce serait là, probablement, un moindre mal en comparaison d'une chute des prix de 20% ou 30% qui appauvrirait un peu plus notre pays.



EBITDAC, Kesako ? Pour les profanes du milieu financier, il s’agit d’une extension de l’acronyme EBITDA, signifiant Earnings Before Interest Tax, Depreciation and Amortization. Pour faire simple, il s’agit du chiffre d’affaires de l’entreprise, retraité des charges d’exploitations. On le rapproche souvent à l’Excédent Brut d’Exploitation (EBE) qui est un solde intermédiaire de gestion français.

L’EBITDA est utilisé par l’industrie financière comme l’indicateur numéro un pour la détermination du ratio de covenant bancaire et de valorisation d’entreprise (déterminés en multiple d’EBITDA). Sauf qu’en excluant les dépréciations et amortissements (Depreciation and Amortization) et les intérêts financiers (Interest), cet indicateur fait fi de la politique d’investissement et de financement de l’entreprise. De plus, n’étant pas normalisé dans le cadre des référentiels comptables internationaux, il est donc l’objet de manipulations.

Le dernier concept fumeux en date concerne donc l’EBITDAC (mentionné par un article du sérieux Financial Times) utilisé par la société allemande Schenck Process (proposant un large éventail de services et de produits à ses clients de l’industrie du ciment, de la sidérurgie, de la pétrochimie, de l’agroalimentaire, de la pharmacie et des transports routiers et ferroviaires).

Ce qui au départ était une plaisanterie circulant sur internet s’est ainsi muée en réalité.

Dans le rapport trimestriel du premier trimestre 2020, on découvre que Schenck Process a publié un EBITDAC, c’est-à-dire un EBITDA retraité de l’impact covid-19 (le fameux « C ») de 18,3 millions d'euros (m€) contre un EBITDA de 12,9m€  (soit un impact covid-19 de 5,4m€, représentant près de 30% de l’EBITDAC). On comprend donc mieux la nécessité du retraitement au vu de l’endettement important de la société (ratio de dette nette / EBITDA de 5x).

L’article du FT mentionne également une entreprise américaine (The Azek company) ayant levé de l’argent avec une clause permettant de retraiter les comptes de l’impact covid-19.

Pour ceux qui en doutaient encore, le virus circule dans le monde entier....

… et cette dernière trouvaille est, il faut bien le dire, de la pure fiction, car ces profits ne reviendront pas.

On rappellera à ce sujet ce que pense Charlie Munger (l’associé de Warren Buffet, le plus grand investisseur de tous les temps) à propos de l’EBITDA : “I think that, every time you see the word EBITDA, you should substitute the words "bullshit earnings.” Il y a donc fort à parier qu’il pense le plus grand mal de l’EBITDAC. A juste titre.

Et pour finir, qui mieux que les Inconnus pour nous faire comprendre les arcanes de la finance ?