Guerre en Ukraine : conséquences néfastes sur les marchés actions
L’Europe veut faire la guerre économique à la Russie, mais elle n’a jamais été aussi mal préparée en matière de sécurité énergétique, et va le payer au prix d’un choc inflationniste de grande ampleur. Aussi, quelles conséquences pour les actions ?
Le retour en grâce des valeurs du vice
En février 2022, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont approuvé des conclusions sur les résultats de la COP 26 sur le climat et ont convenu des priorités pour les travaux de l’UE en matière de climat et de diplomatie énergétique. Dans le cadre de sa politique monétaire, la banque centrale européenne s’engage également à prendre les conséquences du changement climatique en considération, ce qui a découragé depuis plusieurs années les investissements dans les hydrocarbures et la défense.
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, il semble qu’un changement de priorité a été opéré dans les esprits de nos dirigeants : avant de vouloir protéger la planète, il faudrait d’abord penser à protéger nos frontières. L’Allemagne a ainsi annoncé un doublement de son budget militaire, souhaitant le faire passer à 2 % du PIB, ce qui sonne définitivement le glas de l’ère Merkel. Si tous les pays de l’UE augmentaient leurs budgets à 2 % du PIB, cela représenterait des dépenses supplémentaires de 100 milliards d’euros.
L’offensive russe remet donc sur le devant de la scène les valeurs dites du vice (en opposition aux valeurs dites vertueuses), et notamment dans le secteur de la défense. Depuis le début de l’année, Thalès progresse de 50 %, Dassault Aviation de 35 %, et Rheinmetall de 85 %.
Un choc inflationniste de grande ampleur faisant peser un risque sur la croissance mondiale
En attaquant l’Ukraine maintenant, Poutine va infliger un choc inflationniste mondial de grande ampleur, devenant par là même le maître des horloges (expression si chère à notre Jupiter national). En effet, la reprise économique exacerbait déjà les tensions sur les chaînes d’approvisionnement, provoquant des tensions inflationnistes (taux d’inflation à +5,8 % en février dans la zone euro et +7,5 % en janvier aux États-Unis). Poutine ajoute donc de la pression à une situation déjà tendue, ce qui se reflète dans l’envolée des cours du pétrole et du gaz.
Certes, la Russie et l’Ukraine ne représentent que 2,2 % et 0,3 % des exportations mondiales, mais ce sont des économies clefs dans l’exportation de matières premières. La France est dépendante à 20 % du gaz russe et l’Europe à 40 % (soit environ 1700 TWH). La diversification de l’offre (notamment via le LNG) étant limitée par plusieurs facteurs d’ordre logistique, la réduction de la demande semble le seul moyen de réduire cette dépendance. Pour ce faire, l’Union européenne aura à modifier son mix énergétique en privilégiant le charbon et en retardant la sortie du nucléaire. Après avoir péroré sur la saisie du yacht d’un oligarque russe, Bruno Le Maire va devoir expliquer aux Français, déjà touchés par l’explosion du prix à la pompe, qu’ils vont devoir diminuer leur consommation et leur chauffage l’hiver prochain (comme le rappelait récemment la directrice générale d’ENGIE).
Le cours du pétrole quant à lui a dépassé les 120 dollars le baril, ce qui pourrait avoir un impact négatif d’au moins 0,50 % sur la croissance mondiale.
Plus inquiétant encore, les cours des matières premières alimentaires s’envolent et font peser un risque considérable sur la croissance et la stabilité politique des pays émergents. L’indice mesuré par l’organisme FAO est au plus haut historique.
https://www.fao.org/worldfoodsituation/foodpricesindex/fr/
Les conséquences pour les marchés actions : faut-il acheter au son du canon ?
Les marchés européens chutent lourdement depuis le début de l’année (l’indice STOXX Europe 600 est en baisse de 18 %, tandis que le CAC 40 recule de 16 %). L’euro continue de dévisser et a désormais atteint la parité avec le Franc suisse (qui joue le rôle de valeur refuge). La livre sterling est au plus haut depuis six ans et le vote du Brexit.
Mais si les actions ont chuté et se rapprochent à des niveaux comparables avec des périodes de récession, les taux d’intérêts réels ont suivi la même trajectoire, ce qui rend le marché actions encore plus attractif en termes de valorisation. En effet, le taux d’intérêt réel (taux nominal ajusté de l’inflation) à 10 ans américain s’établit aux alentours de -1 %, ce qui est positif pour les actions.
Les banques centrales (notamment la BCE) devraient également ralentir le processus de normalisation monétaire étant donné le risque de ralentissement de la croissance.
Historiquement, les crises offrent toujours des points d’entrées intéressants pour les actions. Cependant, en raison de la faible visibilité sur la croissance mondiale et du choc inflationniste en cours, il conviendra de privilégier des secteurs défensifs avec du pricing power, c’est-à-dire des sociétés ayant la capacité de fixer les prix et répercuter à la hausse les coûts des intrants (énergie, matières premières). Il faudra rester à l’écart des sociétés endettées, faiblement génératrices de trésorerie et dont la liquidité de marché est faible.
Vous pouvez également retrouver cet article sur le site de Contrepoints: https://www.contrepoints.org/2022/03/09/422974-guerre-en-ukraine-consequences-nefastes-sur-les-marches-actions