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Pourquoi l’exemple suédois peut encore nous servir

Crédits photographie : Visuel libre de droit

Il serait judicieux de s’inspirer de la décision de la banque centrale suédoise de mettre fin à sa politique de taux négatifs

Au moment où la réforme des retraites bat son plein (avec l’exemple suédois souvent cité en exemple), il serait également judicieux de s’inspirer de la décision de la banque centrale suédoise de mettre fin à sa politique de taux négatifs. Après avoir été négatifs durant cinq ans (la première fois à -0.10% en 2015), la Sveriges Riksbank a remonté ses taux à 0% contre -0.25%. Pourquoi ? En raison du bilan globalement négatif des taux d’intérêt négatifs. Certes, la bourse et l’immobilier suédois se sont envolés sur la période, mais la croissance et l’inflation ont ralenti, tandis que le taux d’épargne des ménages suédois a fortement augmenté (afin de compenser la baisse du taux de rémunération).

L’erreur vient du diagnostic de départ des banques centrales: l’épargne doit être pénalisée afin de s’investir dans l’économie et générer de la croissance. Or les taux négatifs font plus de mal que de bien en pénalisant les épargnants, en permettant aux entreprises en difficultés de continuer à survivre, et en alimentant des bulles. Les banquiers centraux se trompent en pensant que la faible croissance est la résultante d’une demande trop faible alors que c’est précisément l’augmentation de la quantité de monnaie disponible dans l’économie qui l’affaiblit au lieu de la renforcer. Les taux négatifs, censés être un soutien et devant permettre de faire gagner du temps aux Etats pour qu’ils fassent les réformes indispensables, sont devenus une excuse pour ne pas faire les réformes et subventionner la dette, qui se traduira tôt ou tard par une hausse des impôts. Les ménages l’ont bien compris en augmentant leur taux d’épargne.

La politique des banques centrales met à mal le principe de solidarité intergénérationnelle en pratiquant la double peine avec la hausse de l’endettement faisant peser un risque sur les générations futures en ce qui concerne son remboursement, et l’entretien d’une bulle sur les actifs favorisant les plus âgés et aisés bénéficiant d’une augmentation de la valeur de leurs patrimoines financiers et immobiliers. Les perdants sont les plus jeunes en phase d’accession de patrimoine qui doivent préparer leur avenir au sein d’économies en déclin. Or, qui a accumulé ces dettes durant des décennies? Les baby-boomers de l’après-guerre (actuellement retraités) qui ont inventé le modèle social dont ils sont les principaux bénéficiaires. Un modèle de plus en plus difficile à financer par les salaires des actifs qui n’augmentent plus en raison de la compétition des pays à bas coûts de production. En effet, le contexte économique était différent à l’époque des baby-boomers, qui ont bénéficié d’une période de croissance sans précédent (les Trente Glorieuses), l’inflation leur permettant de s’enrichir en empruntant à des taux d’intérêt réels négatifs et de se constituer un patrimoine. Aujourd’hui, la jeune génération vit moins bien que l’ancienne, un jeune sur quatre se trouvant au chômage (en France), bien plus que la moyenne des autres classes d’âge, tandis que les prix de l’immobilier sont au plus haut. La jeune génération doit ainsi, dans un contexte de chômage important, racheter un capital immobilier à un prix beaucoup plus élevé. Une dynamique qui va devoir s’inverser à un moment ou un autre, tout simplement parce que malgré la hausse de la liquidité fournie par la BCE, les prix des actifs et le niveau d’endettement ne peuvent pas monter jusqu’au ciel.

On s’inspire de la Suède pour la réforme des retraites. Comme le résumait un ancien Premier ministre suédois, c’est "le meilleur système de retraites au monde. Mais son seul petit défaut, c’est qu’il fait baisser les pensions !" La seconde génération devra donc faire face à une forte baisse de son niveau de vie lors du départ à la retraite, sauf à allonger sa durée de cotisation. On devrait également s’inspirer de l’exemple suédois pour la politique monétaire et accepter le principe d’une hausse des taux. Une déflation du prix des actifs permettrait un rééquilibrage en faveur des plus jeunes et des moins aisés. Avec le risque cependant que le dégonflement de cette bulle soit plus important et potentiellement destructeur que la précédente.