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Rester chez soi : un retour durable aux fondamentaux ?

Crédits photographie : Visuel libre de droit

Le cloisonnement impose des changements dans nos habitudes. Cela peut-il modifier nos comportements sur le long terme ?

Nous avons basculé dans un autre monde à une vitesse extraordinaire. En février, nous observions encore d'un oeil distrait les Chinois se démener face à un virus "grippal" qui avait mis à l'arrêt total la province de Hubei. Le virus a cette fois fait fi des frontières et a investi le monde occidental. En Europe, l'Italie, l'Espagne et la France paient le plus lourd tribut d'une épidémie qui, n'en doutons pas, va se répandre de manière exponentielle dans l'ensemble des pays de la zone. Le confinement est la seule véritable réponse donnée par des Etats dépassés qui se voient contraints de mettre la croissance entre parenthèse et les Bourses en déroute. Le fameux cygne noir a pris la forme d'un pangolin. Bien malin qui aurait pu prévoir cet événement entraînant déconsommation, fermeture des frontières et isolement.

Malgré tout, bien avant cela, des mouvements puissants étaient à l'oeuvre pour affirmer une certaine idée de la déconsommation et mener de virulentes critiques du modèle mercantiliste. Nous pensons d'abord à Greta Thunberg, un des porte-paroles les plus emblématiques, qui n'a de cesse, du haut de ses 17 ans (est-ce bien sérieux ?), de s'insurger contre l'exploitation insoutenable de notre bonne vieille Terre et de mettre dès maintenant les dirigeants face à leurs responsabilités futures. On pourra penser ce qu'on veut, disserter sur le fait que la fillette est également un produit marketing, la tendance de fond est là et le monde se sensibilise progressivement à la problématique environnementale (tri des déchets, recyclage, etc.). Les banques et les sociétés de gestion elles-mêmes, sentant le filon, proposent de plus en plus de véhicules d'investissement verts dans leur gamme de produits financiers.

Concernant la fermeture des frontières, là aussi, une large vague populiste (lisez "élue par le peuple") a deferlé sur la planète, provoquée par des populations souhaitant un repli sur eux-mêmes : l'Italie de Salvini récemment, le Brexit, le Brésil de Bolsonaro et, bien sûr, l'Amérique de Trump qui a mené une guerre commerciale larvée avec la Chine, superpuissance économique et technologique qui devrait dépasser l'oncle Sam d'ici quelques années (une paille à l'échelle de l'Histoire). L'Europe vacille également sur ses fondements avec la poussée de l'extrême-droite en France et surtout en Allemagne, qui rejette désormais la mauvaise conscience issue de la défaite du nazisme.

Ces grandes tendances à la déglobalisation, à la déconsommation et à l'isolement ont subi une accélération extrêmement brutale avec la propagation de l'épidémie dans nos pauvres chaumières. Les premiers effets ne se sont pas fait attendre : baisse de la pollution, annulation des voyages professionnels inutiles (les visio-conférences existaient pourtant déjà avant), retour progressif de la solidarité malgré les gestes barrières (voyez les applaudissements par les soignants chaque jour à 20h...). On n'a pas tout perdu ; ce repos forcé nous a même permis de reconquérir la valeur temps, derrière laquelle nous courrions constamment depuis des années. Voilà l'occasion rêvée de faire le point, de s'apercevoir, peut-être, que nous sommes allés trop loin dans la frénésie, que nous sommes passés trop souvent à côté de l'essentiel, que finalement nos enfants ont grandi et qu'il serait temps que j'en profite avant qu'ils soient ados, que je peux maintenant me permettre de lire un format tel que Guerre et Paix au lieu de subir 20 minutes tous les jours.

Il pourra assurément sortir du bon de tout cela, au moins pendant quelques temps. Car il reste à savoir si les vieilles habitudes de la vieille économie reviendront en force, dans un second temps, avec leur cortège d'excès en tous genres.