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Jacques Attali a prédit : vous êtes prévenus

Crédits photographie : Visuel libre de droit

Considéré par l'intelligentsia politico-médiatique comme une boule de cristal infaillible, l’économiste est en réalité le promoteur, voire l’acteur, d’un système qu’il prétend dénoncer.

Dix ans plus tard… Sommes-nous tous ruinés ? « Je suis revenu pour vous dire que le malheur est sur vous, gaulois (…) Je vous avais prévenus » (Le Devin, Astérix).

Économiste, écrivain, éditorialiste, lobbyiste, conseiller d’État, ex-conseiller spécial, chef d’orchestre, on ne compte plus les multiples casquettes portées par l’énarque expert en tout en perpétuel transit, et qui publia en 2010 un livre au titre évocateur : Dans dix ans tous ruinés. Puisque nous sommes en 2021, quoi de plus normal qu’un état des lieux afin de savoir si nous sommes effectivement « tous ruinés » ?

Dans l’ouvrage susmentionné, l’ennemi juré de Jacques Attali s’appelle la dette : « S’endetter, c’est mourir de peur : peur d’affronter les enjeux du présent et choisir de les reporter sur les autres […] Le pire cas de figure : s’endetter pour servir l’intérêt d’une dette. » Jacques Attali est formel : « Il faut d’abord agir en priorité par la réduction des dépenses. »Il prédit : « Nous avons devant nous dix ans de rigueur pour résorber la dette. » Il menace : « Si la tendance actuelle n’est pas rapidement inversée, une crise majeure s’annonce en effet : l’État français pourrait se révéler un jour — plus proche qu’on ne croit — incapable de financer le fonctionnement normal de ses services publics les plus fondamentaux […]. »

L’économiste en rajoute une louche en 2013 dans son ouvrage Urgences françaises: « Quand la dette atteindra 120 % du PIB, vers 2018 au plus tard, les prêteurs exigeront alors de la France, beaucoup plus sévèrement qu’aujourd’hui, qu’elle maîtrise ses finances publiques » (pour rappel, l’endettement de la France en 2018 est de 98 % du PIB). La thématique du déclin de la France obsède l’auteur puisqu’il affirme que « dans sept ans au plus, vers 2020, l’État français n’aura plus de perspective crédible de remboursement de sa dette (…). Les taux d’intérêt de nos emprunts augmenteront, et le service de la dette publique redeviendra le premier poste budgétaire ». Et d’énumérer un enchaînement de catastrophes : « Réduction drastique des dépenses publiques, délocalisations, baisse des retraites, recul de l’État de droit, Frexit (et retour au franc), six millions de chômeurs et dette/PIB de 140 %. » Et l’auteur de préciser qu’il ne s’agit pas d’un scénario catastrophe, mais d’un scénario parfaitement documenté du déclin qui nous guette. Mais tout ça, c’était avant Emmanuel Macron et le « quoi qu’il en coûte », grâce à « l’argent magique » de la Banque centrale européenne.

Une erreur d’analyse

Jacques Attali a sous-estimé l’action des banques centrales. « Il est fini le temps où les banques centrales décidaient seules des taux ; le marché est plus fort qu’elles », affirmait-il en 2015. Et bien non, Jacques Attali, ce sont les banques centrales qui mènent la danse et qui, en manipulant les taux, permettent aux États de continuer à assurer le service de leur dette qui apparaît de moins en moins comme un problème. Ce que l’écrivain finit par concéder en avril 2020 : « Comment remboursera-t-on les dettes que les États accumulent ? Et si leur poids n’est pas un problème, pourquoi ne pas les avoir augmentées beaucoup plus, et beaucoup plus tôt ? […] Explosion de l’endettement […] Faut-il s’en inquiéter ? Pas nécessairement. »

Ouf, nous voilà rassurés ! Les banques centrales vont continuer de se comporter comme des « Madoff légaux » (2011), au grand dam de notre écrivain qui pense toujours que le système n’est pas tenable, comme il le rappelle en juin 2020 : « On ne peut pas espérer que les banques centrales, ces constructions abstraites, fabriquant un argent abstrait, réussissent durablement à masquer l’absence de réponses à ces questions. Un jour, qui n’est pas très lointain, on verra qu’elles ne sont que des fictions. Et tout s’effondrera. » Mais quand ? « Je ne sais, nul ne sait, si cela aura lieu dans deux, cinq, ou dix ans. Ou avant. La seule chose certaine est que cela aura lieu. » La prévision est décidément plus un art qu’une science exacte.

Les conseillers ne sont pas les payeurs

Le problème de tout prévisionniste est qu’il fait un pari et prend un risque : celui de se tromper. Mais s’il peut se tromper en étant de bonne foi, il peut aussi dire des choses qu’il sait inexactes, parce qu’au service d’une idéologie. Et l’un des plus grands mensonges reste celui de l’Europe libérale de Maastricht qui n’a pas tenu ses promesses, et dont l’un des plus ardents thuriféraires reste Jacques Attali, qui ne s’est toujours pas repenti. « Quand on dit que l’Europe de Maastricht créera des emplois, ça reste vrai. Il se trouve que le traité de Maastricht n’est pas encore appliqué. Lorsqu’il le sera, il est évident qu’il y aura une très forte croissance qui en découlera, car nous aurons un grand espace économique avec une monnaie unique », affirmait-il en 1996.

Rappelons que c’est le traité de Maastricht (dont Jacques Attali a contribué à la rédaction) qui pose les fondements de l’euro et institue notamment la Banque centrale européenne, dont l’action est vivement critiquée par Jacques Attali. L’économiste ressemble de plus en plus au docteur Frankenstein qui, horrifié par ce qu’il a créé, abandonne son « monstre ». « La Banque Centrale européenne se trouve aujourd’hui obligée de faire exactement le contraire de ce que lui dictent les traités : prêter à des États pour financer leurs dettes », se lamentait-il en juillet 2014.

Aujourd’hui, les marchés sont administrés, déconnectés de l’économie réelle qui est « soviétisée », sous perfusion permanente. Une ressemblance de plus en plus flagrante de l’Union européenne avec l’URSS, une « construction abstraite » réalisée contre la volonté des peuples et déconnectée de la démocratie.

L’action de la banque centrale européenne alimente l’inflation

Dans une chronique récente d’octobre 2021 et intitulée « Les dents de la mer », Jacques Attali nomme le nouveau mal qui nous guette : « l’inflation discontinue », à savoir, « une inflexion très brutale de la hausse des prix, qui passerait en un an de 2 à 8 ou 10 %. » Jacques Attali ne nomme pas l’un des responsables de cette inflation, qui n’est autre que la Banque centrale européenne qui a inondé le marché de liquidités, et ce de manière disproportionnée depuis le début de la crise du covid. Ces liquidités ont alimenté des bulles spéculatives sur les matières premières notamment, conduisant à la hausse de l’inflation et qui devrait vraisemblablement s’accélérer.

« Je propose mes services : santé, amour, travail, famille… »

Jacques Attali est un auteur prolixe. Il donne des conseils sur tout et à tout le monde, et même aux restaurateurs pour les pousser à innover et redéfinir les contours des métiers de bouche. Propos jugés « ridicules » par Philippe Etchebest. Comme dit le proverbe : « Chacun son métier, les vaches seront bien gardées. » Sur certains sujets, l’expert a cependant vu juste. En 2009, dans son livre La crise, et après ?, Jacques Attali évoque la possibilité d’une « pandémie incontrôlable ».

Sur d’autres sujets, en revanche, c’est la bérézina. On se souvient notamment de la fulgurance de l’analyse concernant Emmanuel Macron : « Un aimant qui attire la chance » et du souverainisme qui « n’est que le nouveau nom de l’antisémitisme ». Mais nul n’est prophète en son pays, et il est toujours plus difficile d’être considéré par ses compatriotes que par les étrangers (est-ce pour cela qu’il tweete en anglais ?).

À force de mener trop de vies parallèles, on finit par perdre pied avec le réel, ce qui se comprend lorsqu’on préfère agiter une baguette de chef d’orchestre à Londres, plutôt qu’une merguez dans un rond-point en France. Le conseiller ultra-connecté (via les réseaux sociaux) nous explique toujours avec un aplomb considérable ce que nous devons faire, penser et vivre. Mais il répète au final toujours le même morceau. Jacques Attali, se voulant visionnaire, réalise des projections alarmistes en nous expliquant que le pire est possible, même s’il n’est pas certain.

Ce que l’on peut prédire sans trop de difficultés, c’est que d’ici un an, Jacques Attali prédira l’explosion de la bulle financière, une nouvelle pandémie, la fin de la démocratie et la prochaine guerre mondiale. Au moment où l’on saccage les statues d’hommes illustres et notamment celle de Voltaire, rappelons cette citation de l’illustre écrivain : « Le premier devin fut le premier fripon qui rencontra un imbécile. »

Vous pouvez également retrouver cet article sur le site de Front Populaire: https://frontpopulaire.fr/o/Content/co713554/jacques-attali-a-predit-vous-etes-prevenus