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Ulysse Ghosn

Crédits photographie : Visuel libre de droit

Carlos Ghosn a retrouvé son Ithaque.

En ce lundi 30 décembre 2019, la France - le monde - apprend la nouvelle au réveil : "Carlos Ghosn est au Liban". L'information tourne en boucle dans les médias d'information, sidérant les intervenants dépourvus face à ce nouvel épisode d'un rocambolesque feuilleton commencé un an auparavant.

Le 19 novembre 2018, sous les yeux du monde médusé, la justice japonaise interpellait le brillant patron de l'alliance Renault-Nissan à son arrivée au Japon. S'ensuivit la prison, la résidence surveillée, son silence forcé, les appels à l'aide de sa femme, la dénonciation du système judiciaire japonais, l'assourdissant silence des autorités françaises, jusqu'à cet incroyable dénouement.

Or, ce dénouement n'est pas dénué de paradoxe...

Carlos Ghosn se qualifie lui-même de "citoyen du monde". Polyglotte (il parle sept langues), trinational (libanais, brésilien et français), propriétaire de luxueuses demeures aux quatre coins du monde (Paris, Amsterdam, Tokyo, Rio, Beyrouth, propriété dans les Yvelines), il ne connait aucune frontière. Symbole de la flamboyante réussite dans une économie mondialisée (à ce titre, la France, dont l'industrie se meure depuis une quarantaine d'années, doit le remercier d'avoir contribué à son rayonnement industriel par le redressement d'un fleuron de notre automobile), il incarne ce que le rêve du "Village global" fait de mieux, la face étincelante du capitalisme financiarisé.

Puis il y eut la chute. Aussi brutale que la réussite fut glorieuse. Alors que les auspices se retournèrent, son discours en fit de même. Carlos Ghosn a fui au Liban. Pays dont il détient la nationalité. Pays qui n'extrade pas ses ressortissants. Pays qui n'a conclu aucun accord bilatéral avec le Japon en matière de coopération judiciaire. Pays à tradition moyen-orientale où la fierté nationale n'est pas un mot proscrit. Mais aussi pays de ses ancêtres, de ses racines.

Confronté à la violence de la face sombre du monde qu'il voulait et vivait sans frontière, Carlos Ghosn a trouvé refuge dans son pays de sang, lequel le protège. Face aux journalistes du monde entier, il assume ce choix. Trêve de normes internationales, de coopération, d'accords. La souveraineté nationale du Liban et son droit national lui offrent l'asile espéré.

Lors de ses voyages, Ulysse n'a cessé de rêver d'Ithaque, des bras de Pénélope et de son fils Télémaque. Perdu dans les méandres de la justice japonaise, gageons que Carlos n'était habité que de l'espoir de revoir le Liban, les bras de Carole et la chaleur de son foyer. Il y a du Ulysse dans Carlos, du Pénélope dans Carole.

Au Liban, Carlos, l'homme sans frontière, le prince de la mondialisation, a subitement retrouvé son Ithaque.